Un contrat de fiducie devrait avoir deux fonctions essentielles :
la gestion (fiducie gestion) ;
la garantie (fiducie sûreté).
En cas de fiducie gestion, l'opération fait intervenir généralement deux types d'acteurs : le constituant et le fiduciaire, sachant qu'il peut y avoir plusieurs constituants ou plusieurs fiduciaires pour une même fiducie.
En cas de fiducie sûreté, l'opération fait intervenir trois types d'acteurs : le constituant, le fiduciaire et le bénéficiaire de la sûreté, lequel peut être le fiduciaire s'il est par ailleurs le créancier du constituant.
Le ou les bénéficiaires sont :
le ou les constituants par défaut et selon les dispositions de l'article 2030 du code civil " lorsque le contrat de fiducie prend fin en l'absence de bénéficiaire, les droits, biens ou sûretés présents dans le patrimoine fiduciaire font de plein droit retour au constituant " ;
Etablissement des comptes annuels au titre de la fiducie
En raison du transfert de la propriété juridique tel qu'organisé par la loi, les actifs et passifs faisant l'objet du contrat de fiducie sont transférés du patrimoine du constituant dans la fiducie, qui constitue un patrimoine d'affectation séparé du patrimoine propre du fiduciaire, au sein duquel ils feront l'objet d'une comptabilité autonome. En conséquence, le fiduciaire établit des comptes annuels au titre de la fiducie, comportant un bilan, un compte de résultat et une annexe, dans les conditions prévues aux articles L. 123-12 à L. 123-15 du code de commerce.
Le patrimoine d'affectation peut comprendre des éléments d'actifs et de passifs se traduisant par le transfert d'un actif net positif (actifs supérieurs aux passifs) ou d'un passif net (passifs supérieurs aux actifs). En revanche, le transfert de passifs isolés est exclu.
Comptabilisation d'une contrepartie dans les comptes du constitution de la fiducie
Lors du transfert des biens, droits ou sûretés dans le patrimoine d'affectation, il convient de comptabiliser une contrepartie dans les comptes de bilan du constituant.
La constitution de cette structure modifie les droits ou obligations du constituant afférents aux biens, droits ou sûretés transférés dans la fiducie, y compris dans le cas où le constituant conserve le contrôle, car, même dans cette situation :
tout au long de la fiducie, ses droits ou obligations sont limités aux seuls fruits ou charges générés par ces biens dont il n'a plus la disposition ;
au terme de la fiducie les droits ou obligations du constituant portent sur leur restitution en nature ou en valeur.
Ces droits sont en effet de nature spécifique, fixés par les termes du contrat dès lors que le constituant n'a aucune possibilité de les modifier unilatéralement.
La contrepartie sera différente selon que la valeur des actifs excédera ou non le montant du passif éventuellement mis en fiducie.
Lorsque le montant des éléments d'actif excède le montant des éléments du passif mis en fiducie, les droits analogues à ceux des investisseurs financiers (comme les porteurs d'obligations, fonds séquestrés en garantie, fonds communs par exemple) relèvent quelle que soit la nature des biens mis en fiducie, de la catégorie d'un actif financier dénommé " 2661 Droits représentatifs d'actifs nets remis en fiducie " au sein de l'actif immobilisé.
Lorsque le montant des éléments de passif excède le montant des éléments d'actif, il convient de constater une obligation dénommée " 162 - Obligations représentatives de passifs nets remis en fiducie " qui doit être enregistrée au passif du bilan avec l'ensemble des emprunts et dettes financières.
Le critère de contrôle défini à l'article 211-1, bien que non retenu pour définir les conditions de comptabilisation de ces éléments, en raison de l'application du principe de la propriété juridique posé par la loi, est appliqué pour évaluer les éléments transférés par le constituant à la fiducie, afin d'avoir une méthode d'évaluation homogène pour les comptes individuels et consolidés. Le contrôle ainsi défini conduit à considérer si le constituant conserve ou perd les avantages ou risques économiques afférents aux éléments remis à la fiducie.
Du fait de ses caractéristiques, la fiducie qui n'a pas la personnalité morale, est comparable à une entité ad hoc, i.e. une " structure juridique distincte, créée spécifiquement pour gérer une opération ou un groupe d'opérations pour le compte d'une entreprise ". Il est donc fait référence aux critères prévus pour la détermination du contrôle des entités ad hoc au paragraphe 10 052 des règlements relatifs aux comptes consolidés1
L'examen des critères suivants est nécessaire pour définir si le constituant contrôle la fiducie.
Le constituant dispose en réalité des pouvoirs de décision, assortis ou non des pouvoirs de gestion sur la fiducie ou sur les actifs qui la composent, même si ces pouvoirs ne sont pas effectivement exercés. Il détermine les termes du contrat de fiducie et l'étendue des pouvoirs de gestion qui seront donnés au fiduciaire.
Le constituant a, de fait, la capacité de bénéficier de la majorité des avantages économiques de la fiducie, que ce soit sous forme d'affectation du résultat ou de droit à une quote-part d'actif net ou à la majorité des actifs résiduels en cas de liquidation ;
Le constituant supporte la majorité des risques relatifs à la fiducie. La répartition des risques est fixée dans le contrat.
L'existence d'un mécanisme d'auto pilotage (prédétermination des activités de la fiducie) ne préjuge pas du contrôle effectif de cette entité par une contrepartie donnée. L'analyse des critères définis précédemment est dès lors nécessaire pour caractériser l'existence d'un contrôle. En particulier, lorsqu'un tel mécanisme oriente les décisions dans l'intérêt d'une des parties, cette dernière est considérée comme exerçant un contrôle de fait.
Le premier critère relatif aux pouvoirs de décision est prédominant. Il est également nécessaire de prendre en considération le deuxième ou le troisième critère. En conséquence, une fiducie est contrôlée si les conditions du premier et du deuxième critère, ou du premier et du troisième critère, sont remplies.
En outre, dès lors que les deuxième et troisième critères se trouvent réunis, la fiducie est également considérée comme contrôlée.
La perte du pouvoir de décision par le constituant est déterminante pour qualifier la perte de contrôle. La conservation de la majorité des risques et des avantages économiques afférents aux actifs transférés dans la fiducie constitue une présomption de conservation d'une partie significative du pouvoir effectif de décision.
Conséquences du maintien ou de la perte du contrôle.
Si le constituant perd le contrôle :
les éléments transférés du patrimoine du constituant dans le patrimoine d'affectation de la fiducie sont évalués à la valeur vénale ;
l'actif ou le passif financier enregistré chez le constituant en contrepartie, est évalué à cette même valeur.
Si le constituant conserve le contrôle :
les éléments transférés du patrimoine du constituant dans le patrimoine d'affectation de la fiducie sont évalués à la valeur comptable ;
l'actif ou le passif financier enregistré chez le constituant en contrepartie, est évalué à cette même valeur.
Le constituant est notamment réputé conserver le contrôle de la fiducie :
lorsqu'il est l'unique bénéficiaire ;
lorsque le contrat est conclu avec un ou plusieurs constituants et que chacun d'eux conserve la quasi-totalité des risques et des avantages relatifs aux éléments transférés (notamment en cas d'absence de mutualisation effective des risques et avantages au sein de la fiducie ou en cas d'apports de biens fongibles);
lorsqu'il conserve le bénéfice de l'intérêt résiduel sur le ou les actifs en fin de contrat à travers le retour de ces derniers en pleine propriété avec le rétablissement du droit à l'usufruit perpétuel.
Dans le cas où la fiducie ne serait pas comparable à une entité ad hoc, par exemple en cas de contrôle non exclusif, il convient de procéder à l'analyse du contrôle selon les dispositions des paragraphes n°1 000 et suivants des règlements relatifs aux comptes consolidés1.
1 Règlements relatifs aux comptes consolidés :
Règlement n°99-02 relatif aux comptes consolidés des sociétés commerciales et entreprises publiques
Règlement n°99-07 relatif aux règles de consolidation des entreprises relevant du CRBF
Règlement n°2000-05 relatif aux règles de consolidation et de combinaison des entreprises régies par le code des assurances, des mutuelles et unions régies par le code de la mutualité et des institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural
Transfert des éléments au patrimoine d'affectation de la fiducie
L'opération de transfert des éléments au patrimoine d'affectation de la fiducie, est enregistrée au compte de résultat du constituant dans :
un sous compte " 7741 Opérations liées à la constitution de la fiducie - transfert des éléments ", du compte " 774 Opérations de constitution ou liquidation des fiducies " pour les produits, ou ;
un sous compte " 6741 Opérations liées à la constitution de la fiducie - transfert des éléments ", du compte " 674 Opérations de constitution ou liquidation des fiducies " pour les charges.
Les éléments transférés au fiduciaire sont comptabilisés, chez ce dernier, dans la fiducie, au bilan d'un patrimoine séparé dit d'affectation, distinct du bilan propre du fiduciaire. Les éléments transférés sont, par symétrie, évalués à la valeur nette comptable ou vénale, selon les valeurs retenues chez le constituant.
La contrepartie des éléments reçus en fiducie est comptabilisée dans un compte " 102 Fonds fiduciaires " égal au montant de l'actif ou du passif net remis en fiducie. Son montant peut être débiteur ou créditeur.